Journal de Bord

Mai 2021

Jour 1

Le 26 mai, à 14:15 heure locale, nous appareillons: nous hissons la GV avec un ris et déroulons le J2. Un vent d’Alizé, secteur Est souffle entre 15 et 25 kt. Nous remontons au près serré afin de nous dégager de l’arc Antillais. Dans ces premières 24 heures, nous parcourons 206 miles nautiques à la moyenne de 8.6 kt.

Jour 2

Le deuxième jour, les Alizés ont faibli et laissé la place à des vents légers et variables. Il faut faire beaucoup de manœuvres car les conditions instables imposent des changements de voiles fréquents. Spi bleu, Code 0, Code Boost sont envoyés tour à tour pour s’extirper de cette première zone de calme.

La nuit, les grains sont fréquents et il faut être vigilants pour ne pas se faire prendre « les culottes à terre » avec trop de voilure… Nous réussissons malgré tout à parcourir 175 mn le deuxième jour à une vitesse moyenne de 6 kt.

Jour 3

Le jour 3 est difficile, la chaleur à l’intérieur du bateau en carbone est suffocante. Dehors on frit au soleil et dedans on est dans une étuve… Les vents erratiques imposent beaucoup de manœuvres et les quarts reviennent vite…

Ce sera notre jour le plus lent du convoyage : 140 mn en 24 heures @ 5.8 kt de moyenne.

Jour 4

Le jour 4 est plus stimulant car nous touchons un vent de SE entre 15-20 kt. On hisse notre grand spi noir qui nous propulse à plus de 10 kt de moyenne. The Kid est parti au galop avec des beaux surfs sous le soleil de la mer des Sargasses. La présence de ces algues en abondance est une autre preuve d’un dérèglement climatique. Plusieurs fois par jour, nous sommes forcés de « culer à la voile » pour dégager les algues prises dans notre quille et dans nos safrans. Nous parcourons 245 mn en 24 heures @ 10.2 kt de moyenne.

Jour 5

Mer modérée avec vent ESE 15-17 kt. Beau temps. Nous avons des problèmes avec le groupe électrogène et comme nous arrivons bientôt à la hauteur des Bermudes, nous nous interrogeons sur la pertinence de faire escale afin de pouvoir réparer le générateur. Finalement Fabien semble prendre le contrôle sur la machine récalcitrante et nous continuons notre progression vers le Nord. Les vents stables des dernières heures nous permettent d’engranger 250 mn dans les derniers 24 heures @ 10.41 kt de moyenne. Depuis le départ de La Martinique nous avons parcourus 1016 miles nautiques soit environ la moitié du parcours.

Jour 6

Une autre belle journée au reaching ! Beau temps, belle mer. Nous sentons la chaleur diminuer sa présence. Mais un défi se dresse devant nous : nous devons contourner deux nouvelles bulles anticycloniques  au cours des prochains jours.

Jour 7

Nous slalomons entre les bulles de « pas de vent ». La pression atmosphérique est à 1031 mb. Une dépression venant de l’Ouest se présente à l’horizon. Nous allons bientôt franchir le Gulf Stream…

Jour 8

Gros changement de décor ! Après le Gulf Stream nous avons changé de monde : Nous sommes dans la brume, il fait froid et il vente enfin pour faire vibrer notre pur-sang qui se régale au travers. Nous approchons de la zone des glaces…

Jour 9

Les deux derniers jours seront vraiment mémorables : Nous encaissons un coup de vent avec des rafales à plus de 30 kt par le travers. Avec deux ris dans la GV et trinquette, le bateau fonce dans le brouillard épais vers sa destination finale…

Aucun doute, il a hâte d’arriver et nous aussi ! 😉 L’eau à 4° Celcius, l’humidité omniprésente dans le bateau, me forcent à dormir en ciré dans ma couchette tellement la condensation a mouillé mes draps…

Jour 10

Dans un brouillard à couper au couteau, nous arrivons à St-Pierre après 10 jours de mer et plus de 2000 mn parcourus. Nous sommes confinés au bateau jusqu’au résultats de nos tests PCR…

Une belle expérience de navigation sur un étalon fringant

La recherche de vitesse sur un voilier conduit à de nombreux choix et cela entraine des sacrifices: le confort est sacrifié au profit de la vitesse. La masse du navire est le facteur critique de cette « équation vitesse ». Chaque kilo embarqué ralentit le moment où le voilier plane et surf sur les vagues au-delà de sa vitesse de carène. Les formes planantes de sa coque, son poids de 10 tonnes pour un bateau de 54’, sa construction ultra rigide en fibre de carbone – époxy par infusion rend le bateau solide et raide à la toile. A cela rajoutez un superbe mât en carbone, un gréement de dernière génération, une quille pendulaire issue des Imoca 60’, un jeu de 11 voiles North et vous avez les ingrédients pour faire un bateau ultra performant.

J’ai été impressionné par la vitesse du bateau dans le petit temps. A partir de 6 kt de vent, le bateau navigue au près plus vite que le vent réel. L’utilisation du nouveau Code Boost fut une autre révélation : le bateau pointe au près serré plus vite que le vent jusqu’à 10 kt de vent réel, ce qui nous a beaucoup aidé compte tenu des conditions météo très calmes que nous avons rencontré.

Le bateau et son gréement dégagent une force, une puissance, une rigidité structurale, synonymes de vitesse et de sécurité. Car « The Kid » est un formidable voilier. Sa nacelle pivotante permet de positionner des poids critiques de façon à imposer ou restreindre la gîte du bateau. Cette innovation technologique est majeure. Dans le petit temps, nous imposions une gîte au bateau de façon à le stabiliser. Il allait plus vite et fatiguait moins son gréement et ses voiles. Dans la brise, la nacelle et la quille pendulaire sont au vent du voilier et le bateau file à plus de 20 kt au portant sans giter. Sensations incroyables à la barre garanties !

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